Les charbonnières

Les Balcons de la Drôme – dimanche 8 juin 2025

Les « charbonnières » sont des fours de carbonisation, de type Magnien, du nom de leur inventeur en 1922.

Elles permettent d’obtenir du charbon de bois en brûlant ce matériau jusqu’à la disparition complète des impuretés.
Nous connaissons l’utilisation du charbon de bois pour faire cuire nos grillades l’été, mais les fours se sont surtout développés entre les deux guerres mondiales.

Du fait de la réquisition des marchandises par l’occupant durant la Seconde guerre mondiale, la population se tournait vers des produits de substitution : le tissu à la place de la peau et le bois pour le cuir dans la chaussure, la saccharine pour le sucre, l’orge pour le café, le topinambour pour la pomme de terre, etc.

C’est ainsi que pendant le deuxième conflit mondial, en 1941, l’activité des charbonnières était essentiellement destinée au fonctionnement des véhicules modifiés utilisant le gazogène.
La combustion du charbon de bois produit en effet un gaz pauvre, mais suffisant pour actionner un moteur. Les véhicules atteignaient des performances remarquables aux environs de 20 km/h.
Cette utilisation a perduré jusqu’en 1949, jusqu’à la fin des tickets d’alimentation.

Au début, ce sont les Italiens puis les troupes indochinoises qui, démobilisées par le gouvernement de Vichy et ne pouvant rentrer chez eux, furent réquisitionnés pour ce travail.
Ils seront ensuite rejoints par les hommes appelés sur les chantiers de jeunesse.

C’est ainsi que dans le Diois, le Vercors, le Royans, comme dans toutes les forêts de France, surgirent des baraquements dans lesquels vivaient des familles quasiment en marge de la société que l’on retrouvera souvent d’ailleurs chez nous dans l’émergence des maquis.
Les Italiens sont très nombreux dans cette activité pour laquelle ils développent un savoir-faire très performant.

Du début du 20e jusqu’aux années 1960, il faut se rappeler que les Transalpins représentent la majorité des populations immigrées.
Depuis 1870, à la suite de diverses crises économiques et sociales traversées en Italie, c’est le plus important mouvement migratoire.

En ce qui concerne notre territoire les échanges avec l’Italie remonte à loin puisque l’on retrouve sur la façade ouest de la montagne saint-Andéol, aux Auberts, la trace des poignards du Néolithique final régional, période la plus récente de l’âge de pierre, soit 3400 à 2400 ans avant notre ère – qui sont de type Remedello dont la culture est localisée en Lombardie.

Pour le bois, notre secteur regorge de fayards (mot nord-provençal désignant le hêtre commun).
C’est un arbre imposant qui recouvre la majorité des forêts françaises. Il est de très bonne qualité et offre un excellent bois de chauffage.
Il fallait d’abord apporter dans la forêt, à dos d’homme et de mulet, les ustensiles nécessaires au montage des fours.

Les charbonnières étaient composées de trois parties en tôle et d’un couvercle. (Dessin de René Costerousse – Saillans)
Leur poids total était d’environ 150 kg., le diamètre à la base de 3 m. et la hauteur de 2,50 m.

Leur installation nécessitait d’abord de creuser la montagne afin d’obtenir un plan, parfaitement horizontal, sur lequel était dressé le four.
Le long des sentiers, si vous passez à proximité d’une surface plane d’environ 8 m. de diamètre, vous pourrez probablement trouver des restes de charbon en grattant le sol.

La 1ʳᵉ partie du four étant en place, on disposait au centre et à la verticale, 4 gros troncs de bois qui faisaient office de cheminée.
Autour, à même le sol et sur toute la surface du four, de petites branches étaient disposées sur une hauteur de 50 cm.
Par-dessus prenaient place des branches plus importantes posées verticalement.

Le bois était coupé à la hache ou à la scie.
Lorsque le premier cercle était ainsi rempli, on disposait le second et la même opération se déroulait. Idem avec le troisième cercle pour terminer avec le couvercle.

Il fallait compter trois jours pour garnir un four.
Les prises d’air étaient supprimées avec de la terre.
Des branches enflammées étaient alors mises dans la cheminée et poussées au fond pour mettre à leur tour le feu aux petites branches.
Une fois ces dernières en flammes, on fermait tous les points de lumière sauf un à la base.

Commençait alors une longue surveillance de 3 à 4 jours qui réclamait une attention de chaque instant
Au début de l’opération, c’est de la vapeur d’eau qui sortait, laissant ensuite la place à de la fumée blanche, celle-ci s’estompant progressivement.

Il fallait alors s’empresser de « fermer » la lumière et d’en ouvrir une autre, la manœuvre se renouvelant jusqu’à la dernière.
L’absence de fumée était le signal de la fin de la carbonisation. Il ne fallait surtout pas manquer cet instant sinon le bois prenait feu et le charbon devenait inutilisable.

On fermait alors toutes les ouvertures et on laissait refroidir.
On pouvait enfin sortir le charbon en mettant de côté les branches mal brûlées qu’on appelait les « incuits ».

(Dessins de René Costerousse – Saillans.)